Je n'arrive plus à avancer

Cela m'est trop difficile de parler, de m'ouvrir. Certains jours je suis si mal que je me dis "c'est décidé demain tu prends rdv chez le médecin", mais je n'en ai jamais le courage. Pour l'instant j'ai encore peur de la mort, mais si je perdais cette possibilité je crois que je m'effondrerais complètement. J'ai besoin de me dire que la souffrance peut s'arrêter, et j'ai davantage confiance en le chlorure de potassium qu'en les antidépresseurs.

Je ne sais pas si le simple fait de trouver le bon interlocuteur suffirait à me permettre de parler. J'ai déjà croisé des gens biens dans ma vie, j'ai eu très envie de leur parler et pourtant aujourd'hui encore ils ne savent rien de moi. J'essaye autant que possible d'être attentive aux autres mais peut-on vraiment entendre (dans le sens de comprendre) les autres? Je ne sais pas. Je ne crois pas.

Même si je pense que l'on ne peut pas vraiment, profondément, comprendre quelqu'un, je trouve assez beau d'essayer. Je crois même que c'est une grande qualité, l'écoute, l'attention. Arrivez-vous à comprendre les personnes auprès desquelles vous travaillez? Quelqu'un vous comprend-il vraiment? Moi ça me parait extraordinnaire.

Ce n'est pas faux, mais ce qui m'atriste c'est qu'il faille nécessairement aller voir un "professionnel de l'empathie". J'ai parfois l'impression que les gens sont indifférents. Et puis, je n'ai pas vraiment l'impression d'en valoir le coups, c'est pathétique ce que je dis, mais c'est le sentiment que j'ai. Qui suis-je, qu'ai-je fait pour mériter que l'on me regarde?

Intellectuellement je comprends les principes dont vous me parlez, le transfert amoureux / contre-transfert, l'importance de l'empathie, la relation privilégiée entre le patient et son psy, mais émotionnellement je ne "comprend" pas ce genre de relation (j'ai un peu de mal à formuler correctement cette idée). Paradoxalement, j'évolue dans un milieu où je ne peux que constater les bénéfices qu'apporte la psycho (dans tous ses aspects), mais au fond de moi je n'arrive pas à y croire. Mais pour moi y croire ou non n'est pas vraiment le problème.

C'est toujours la même chose, parfois je sors la tête de l'eau, je crois que je m'en sors, mais en fait ce n'est qu'une bouffée d'air pour mieux souffrir. Je finis par ne plus y croire lorsque cela va un peu mieux parce que finalement je tourne en rond et je n'arrive pas à sortir de cette boucle. Je repasse éternellement par les mêmes étapes, je le vois, j'en suis consciente et pourtant ça ne suffit pas. Je n'ai pas l'impression que comprendre les choses soit un mieux, plus je me pose de questions plus je suis mal. Fatiguée.

Lorsque j'étais adolescente, j'étais profondément malheureuse, mon mal-être était tel que je songeais très sérieusement à me suicider. J'avais commencé à réunir des médicaments, aujourd'hui je sais que cela n'aurait pas suffit, mais dans mon esprit j'étais morte. Il devait aussi rester un peu de vie en moi parce que je n'ai pas franchi le pas. Je me suis dit que grandir me permettrait probablement d'accéder à une vie plus heureuse. Je me suis promis de ne rien faire avant un certain âge que je m'étais fixée.
Cela peut paraitre morbide, mais cela m'a aidée à avancer parce que je me disais que je serai heureuse ou que la peine cesserait. J'ai essayé d'être heureuse, mais le fait est que j'approche de la date limite que je m'étais fixée. Dans mon esprit ce n'est pas une date de mort programmée, plutot une limite au-dela de laquelle je baisserai les bras. Si tout va bien alors parfait, mais si je suis un jour en proie à une bouffée suicidaire, je crois que je lui céderai. Cela parait dérisoir, une promesse faite à moi-même, mais elle avait de la valeur.
Aujourd'hui j'ai encore un peu peur de la mort, mais c'est parce qu'aujourd'hui je vais plutot bien. Malgré cela je me rend compte de ce que je fais, je veux dire, je n'ai pas de projet suicidaire aboutit, et pourtant je réunis ce qu'il faut. Parfois j'ai l'impression que cette promesse était à double tranchant, que cette autorisation de ne plus vivre se transforme en invitation à mourir.