Autisme
A mon sens, un individu autiste n'aurait jamais dû franchir la porte d'un cabinet de psychanalyse tant que lui-même ne s'était pas autorisé à désirer être et à échanger, voire changer.

La psychanalyse n'a jamais eu pour fonction le soin, ni l'éducation. Elle a pour fonction la permission de rencontrer son JE. Ne faut il pas pouvoir désirer être soi, pour y accéder ?

Les psychiatres-psychanalystes le savent bien, puisqu'ils doivent volontairement choisir entre leur deux désirs, celui de soigner en psychiatrie et d'autoriser en psychanalyse et ne peuvent confondre les deux.

Comment peut on se complaire encore dans ce manque ?

Lors des formations que je dispense aux professionnels de l'enfance afin de permettre la détection au plus jeune âge de ces enfants qui ont tant à partager, je mets un point d'honneur à permettre une bonne compréhension des idées reçues sur ce public.

-Non, ils ne sont pas dans leur bulle et leur forteresse n'est pas vide !

-Oui, ils veulent communiquer, ils ne savent pas comment, mais lorsqu'on leur propose des outils, ils s'en saisissent. Vous en doutez ? Écoutez LOU chanter et parler de lui en cliquant ici

-Oui, l'utilisation d'un semblant de ABA, ou de Teach,( moins soutenu car la méthode est à mon sens aliénante lorsqu'elle est trop "impactante") qui tente à créer, voire encrer le lien entre la parole et l'image à l'aide de pictogrammes et à décomposer les actions pour mieux les assimiler, est un procédé qui fonctionne.

-Oui, cela déplace le trouble et alors !

Vaut-il mieux laisser le trouble où il est et ne jamais permettre à l'enfant de comprendre comment il pourrait avoir les moyens de communiquer ? Ou accompagner de façon éducative l'enfant dans sa compréhension afin de lui permettre d'accéder au plus vite à la communication "comprise" par le reste de l'humanité, afin de lui ouvrir d'autres possibles et de traiter par ailleurs et bien après, les "déplacements" de ces troubles.

Exemple : Une maman m'expliquait que son fils autiste de 11 ans, scolarisé en sixième aménagée avec AVS, a soudainement développé des TICS insoutenables au quotidien.
En attendant, cet enfant parvient à suivre une scolarité, avoir des amis, et même parfois à se rendre au collège seul. Ce même enfant, ne parlait pas un mot à 3 ans, et à 4 ans et demi avait été diagnostiqué autiste sévère à bon potentiel.

Les parents formidables et totalement dévoués ont réussi le pari fou d'appendre à leur bambin à les « rencontrer » dans leur univers afin de lui permettre de vivre aux plus proches ensemble.
La maman brillante, a abandonné sa carrière pour rester avec son enfant et travailler à son chevet et cela. Elle a essayé à peu près toutes les techniques afin de permettre à son enfant de comprendre le monde qui l'entourait. Elle s'est formée, a parcourue le monde au travers divers colloques. A appris de son fils, des professionnels, des associations et d'elle-même pour avancer et lui permettre d'être comme il est devenu ce jour.

D'autres auraient pu y voir un bel égoïsme, l'enfant ne voulait peut-être pas s'y convenir ?

Tout n'est pas dans ce cas là précis, une question de désir !

Et si tous les professionnels décentraient leur praxis au regard du citoyen autiste, au regard des ses avancés, de ses manques, de ses besoins et aux regards des retours qu'en font les familles ?
Non, ce n'est pas totalement fait .

Aujourd'hui, le pré-ado qu'est devenu l'enfant, exprime à sa famille sa joie de réussir à vivre un peu différemment certes, mais de façon si proche d'eux. Ce travail du quotidien lui a permis d' apprivoiser « au moins » ses plus grandes peurs, afin de comprendre les clefs d’accessibilité des normo-typiques, c'est à dire de notre monde et de ne pas s'en exclure par crainte.

A ce jour, les peurs de ses parents, sont celles de n'importe quel couple ayant un pré-ado. Comment va t-il vivre et affirmer sa différence, son individualité, son indépendance à son adolescence ?

Pour un ado autiste, même si la question est similaire, la réponse peut être être sensiblement différente. En effet, mon point de vue est que l'ado peut refuser tout ce qui a été déplacé pour revenir à son point central, afin de ne plus confronter ses peurs ou encore fuir le travail qui lui a été imposé par défiance et alors se soumettre à ses angoisses comme une réponse à ses mécanismes de défense.

-Oui, certains axes comme le chant par exemple sont des médias permettant beaucoup, car il font appel à l’instinctif et surtout à la fonction du désir profond de vivre. D'autre, aurait évoqué la pulsion...

-Oui, je suis pour la félicitation excessive quand l'enfant ou adulte se lâche, s'autorise, se rectifie.

-Oui, je suis également pour la sanction immédiate par récurrence et persévérance lorsqu'il n'y parvient pas.

-Oui, les émotions des autistes sont belles et bien présentes, elles sont justes tellement présentes qu'elles sont envahissantes et non apprivoisées. Ecoutez Dvorak, Bach, Chopin ou encore Wagner ou encore LOU dans une cathédrale avec une amplitude sonore exagérée et ressentez ce que l'enfant perçoit à chaque mot qui lui est prononcé. Les émotions envahissantes, sont difficiles à contenir, l'enfant tout petit doit faire face dans un premier temps à cette « tétanie du trop ou du trop » peu malheureusement pour certains.

-Oui, il est important de ne pas désirer de l'autre ce que l'on attendrait pour soi. Si c'est valable pour chaque individu dans l'amour, c'est encore plus utile de rencontrer cette phrase et de l'appréhender à sa juste valeur. Avec un enfant, un adulte autiste, la première positon à s'autoriser, c'est de se décentrer. -Se décentrer pour attendre à sa façon une réponse.
-Se décentrer pour accepter sa normalité à lui et sa différence par rapport à soi.
-Se décentrer pour comprendre que sa colère, ses excès sont l'écho de sa souffrance et ne sont pas dirigés vers soi.


-Se recentrer pour avoir le courage de persévérer.

-Communiquer même si le sentiment premier est de recevoir uniquement l'écho de sa parole diffuse et persévérer. L'enfant autiste n'est pas sourd et n'est pas obligatoirement déficient !

Puis, un jour vient le contact, le lâcher prise et enfin, ce que j'appelle "l'échange".
Rencontre en quelque sorte des mots et des actes. Comme une réponse réciproque.

Si l'accompagnement est suffisamment récurrent, j'ai constaté que ce point n'est jamais renvoyé en arrière, il n'y a pas de recul systématique comme dans un apprentissage classique. Ce qui est appris est acquis jusqu'aux périodes critiques...

Bien sur, l'enfant comme l'adulte peut s'avérer en manque de désir pour une séance, mais a bien compris l'enjeu des chemins qui lient les « Zhumains » entre eux.

Si vous avez lu cet article, c'est probablement que vous êtes intéressé de plein fouet par la cause autistique. Que vous soyez professionnel de l'enfance, parent d'un enfant différent, famille d'un proche se questionnant, ne restez pas seul face à vos questions. De nombreuses associations permettent aux familles et aux intéressés de mieux appréhender l'autisme.

-Oui, je suis psychanalyste et même si la psychanalyse n'est pas adaptée aux soins de l'accessibilité vers la communication universelle, l'ado comme l'adulte autiste est avant tout un être à parts entières (je propose un « S » volontairement).
Lorsqu'il a atteint l'accessibilité à « l'échange » grâce aux techniques éducatives, l'autiste peut avoir besoin, comme tout individu à un moment donner, de travailler sur soi pour accepter l'impact de sa différence. Et là, juste là, la psychanalyse peut l'aider. Les familles peuvent elles aussi avoir besoin de travailler sur un ré-apprentissage de soi et de l'amour de soi. Car lorsque l'on a tout donner pour permettre l'accessibilité à une certaine normalité à son enfant, s'est-on accordé du temps pour soi, du temps pour se comprendre, du temps pour son couple ? Alors oui, la psychanalyse est adaptée à ce qu'elle a toujours été, la permission de s'accepter, de se comprendre et d'envisager sa vie avec qui l'on naît (n'est)... rien d'autre !

Je désire profondément que l'on envisage et approche enfin l'enfant autiste de façon holistique et ce, depuis le plus jeune âge et que l'on permette aux familles d'aller mieux en évitant de les confondre et les soumettre à des querelles incompréhensibles qui les plongent dans des clivages qui ne peuvent que les noyer dans la colère.

Ensemble, nous, les normo-typiques pouvons œuvrer si nous ne cherchons pas, comme pour beaucoup d'autres instances, à avoir le dernier mot pour des enjeux qui dépassent le bon entendement.
J'en suis convaincue !

Christelle Moreau
Psychothérapeute, psychanalyste
Formatrice en Management et communication
Intervenante à l'Université,
Maison de Santé 7 rue Alfred Mortier 06000 Nice
06 41 18 52 56