A l'heure où la folie est, à nouveau, criminalisée, des voix se font entendre pour contrer cette erreur qui sera lourde de conséquences.

Des psychanalystes y participent.

A l'heure où le DSM V nous arrive, des voix, parfois les mêmes, s'élèvent pour dire combien cette approche du phénomène dit mental, de tout le champ psychique, est inconvenant car il vise à l'éradication de la notion même de sujet, patiemment construite par plus d'un siècle d'expérience de la pratique psychanalytique. Les psychanalystes montent au créneau (Manifestes français, italien, espagnol…, contre le DSM).

A l'heure, enfin, où les professions et autres métiers qui se rapportent à ce champ du psychisme subissent une remise en question et un bouleversement créant, sorti d'on ne sait où, sinon de la pression des psychothérapeutes qui a rencontré, par bon heur, la peur panique du gouvernement contre le phénomène sectaire, un titre contrôlé et donc protégé par l'Etat, ce sont les psychanalystes qui sont aujourd'hui exposés et, in fine, voués à disparaître dans toutes les têtes d'importance ou de pouvoir, mais aussi, grâce au « remarquable travail » en ce sens des Médias, en direction du grand public qui suit la pente à la mode qu'on lui propose, voire impose sans autre forme de critique.

Aujourd'hui, le titre de psychothérapeute doit être demandé et… mérité. On propose au psychanalyste de venir rejoindre les psychothérapeutes d'Etat, sur une liste de… psychothérapeutes (Notez bien, pas une liste de psychanalystes, encore heureux !).

Pourquoi ? Parce que ceux qui lui demandent cela, au psychanalyste, le considère, ni plus ni moins, comme un ordinaire psychothérapeute, comme l'un des psychothérapeutes parmi tant d'autres. Le tour de passe-passe est simple et même simplet.
Le psychanalyste n'est considéré que comme un psychothérapeute.

Signez là ! Psychanalystes, et vous serez, enfin, reconnus… comme psychothérapeutes.

Vous, psychanalystes, qui savez, pour l'avoir appris avant tout sur le divan, déjouer les pièges un peu plus retords de l'inconscient que celui que vous présentent sur un plateau d'argent (c'est le cas de le dire, car l'argent est l'un des ressorts essentiels de ce tour de prestidigitateur !) les services de l'Etat, allez-vous signer ?

Allez-vous prendre la voie de la « servitude volontaire » et vous mettre, vous aussi, à détruire la psychanalyse en désertant ses rangs, faisant de vous, en quelque sorte, comment appeler cela autrement, des renégats de la psychanalyse, d'une psychanalyse qui vous a nourris et parfois « sauvés » de là où, sans espoir, vous souffriez, à qui vous devez tout ce que vous êtes devenus : des psychanalystes français dignes de ce nom, freudiens et pour d'autres, freudiens aussi et lacaniens, qui n'acceptent pas de laisser glisser le signifiant à partir duquel ils ex-sistent ?

Vous êtes, nous sommes des psychanalystes, c'est notre prétention, qui s'exercent quotidiennement à cette étrange fonction à laquelle nous nous plions, qui ne ressortit pas d'un être (pas d'être du psychanalyste, merci Lacan !) comme nous ne sommes pas sans le savoir, mais la langue est ainsi faite qu'il faut bien s'exprimer socialement de la sorte pour le public et ceux qui nous gouvernent.

« Psychanalystes pas morts, lettre suit ! ».

C'est plutôt à la lettre qu'il nous faut le rester, psychanalystes.

"Lorsqu'on cède sur les mots, disait Freud, l'on cède sur les choses."

La psychanalyse transformée en psychothérapie lors de la période nazie l'a bien montré, et les psychanalystes transmués autoritairement en psychothérapeutes repentis l'ont parfaitement éprouvée. Vous êtes, nous sommes des psychanalystes, nous pratiquons pour tout demandeur qui s'y risque, et si nous l'acceptons, cette toujours énigmatique chose qui s'appelle la psychanalyse, telle est notre étrange fonction au regard du monde. Nous ne sommes pas et ne seront jamais des psychothérapeutes agréés par les services de l'Etat, sauf à nous leurrer nous-mêmes les premiers.

Psychanalystes français, souvenez-vous de l'exemple italien (loi 56 de 1989) qui a eu pour conséquence la fin des psychanalystes laïcs selon le même procédé de sirènes que l'administration française met en œuvre aujourd'hui, dans sa légitime logique, à votre endroit : siphonner les rangs des psychanalystes pour les faire devenir, d'eux-mêmes de préférence - dans un premier temps, on verra plus tard pour la forme autoritaire s'il y a lieu -, des psychothérapeutes agréés par l'Etat.

Exit alors le psychanalyste et la psychanalyse, laïcs du nom.

Dites NON aux sirènes !

Rejoignez vos cabinets, vos consultoires, là où est votre place, notre place pour y exercer, pratiquer notre seule fonction de tenir bon face au symptôme. Tâche ingrate autant que magnifique, tâche à laquelle toute leur vie durant un Sigmund Freud, comme un Jacques Lacan, comme bien d'autres encore, ne renoncèrent.

Un psychanalyste meurt dans son fauteuil, il n'est pas dans ses idées d'être cité à l'ordre de la Nation. Le dés-ordre reste son lot.

Jean-Michel LOUKA

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