Françoise Dolto nous indiquait il y a peu, que bébé entendait et comprenait TOUT, et ce, même dans le ventre de sa mère, qu’il ressentait tout et qu’il était nécessaire de verbaliser nos ressentis, briser les non-dits et partager ses paroles, ses mots et ses maux de l’instant avec son enfant.

Elle n’avait pas complètement raison et surtout pas complètement tort. En effet, l’on sait à présent que bébé ne comprend pas tous les mots, en revanche, il les ressent. Mais, est-il alors nécessaire de parler avec son enfant ? Bien sur, cela est même indispensable. Le dialogue entre une mère et son enfant peut se faire au travers de caresses, de regards mais aussi de mots.

L’enfant ressent, voit, devine et entend. Il est donc important que la mère, les parents, apprennent à communiquer par tous les moyens qu’ils leurs sont offerts. Cela leur sera utile à eux, pour l’avenir, mais aussi à l’enfant, qui aura apprit qu’il est bon de dire, de partager et de ne pas « garder » tout "contre" soi.

Cognitivement, le nourrisson de 6-7 mois est déjà visiblement capable de comprendre le ton d’un individu quel qu’il soit. Grégoire, 3ans, a peur que quelque chose lui arrive, dès lors qu’il se sent, paradoxalement, en sécurité / paisible. Sa maman est très inquiète, car cela suscite une angoisse chez son enfant qui ne peut en aucun cas rester plus d’une minute tout seul ou dans des situations de calme sans sa mère : avec un livre, dans son lit ou encore posé dans un lieu calme. Cela génère des problèmes d’endormissement. La mère exprime ses craintes quant à la rentrée scolaire qui sollicitera des temps de calme. Elle exprime aussi le fait que son couple est exténué de ce qu’elle considère/nomme comme un trouble du comportement.

Chaque tranquillité génère une angoisse, toujours la même et l’enfant l’exprime au cabinet de façon confuse. En en parlant il se réfugie dans les bras de sa mère et demande dans son regard d’être rassurée par elle. Je les laisse alors parler entre eux, sans jamais les interrompre, en accueillant leur parole qui se fait rare mais riche. L’enfant retourne jouer et ne cesse de lancer des regards furtifs vers sa mère qu’il « colle »/terme qu’elle utilise également pour qualifier le besoin de son fils. Il rapproche à chaque séance la petite table et chaise qui lui servent de support.

Pour être plus proche d’elle ou plus loin de la porte ? J’observe sans dire mot les productions de chacun, dessins, mots, gestes, regards. Je désire au bout de quelques séances de ré-aborder la période qui précéde la venue au monde de Grégoire.

La maman, qui aux premiers entretiens était « passée » sur l’épisode de sa grossesse très rapidement en la qualifiant de superbe, semble d’un seul coup étonnée. « Mais que voulez vous que je vous dise ? Grégoire est un enfant plus que désiré, c’est le moins que l’on puisse dire… » Je souhaite en effet à cet instant qu’elle exprime non pas mon désir, mais le sien, ce : plus que désir, ce moins que l’on puisse dire, qu’elle exprime pourtant, mais sans mettre des mots dessus.

C’est alors, qu’en pointant ce moins et ce plus, la mère aborde alors ce vécu d’un autre angle et conçoit de « revoir » les diverses angoisses qu’elle a ressentit durant la grossesse. Ainsi vint la peur «  numéro un » lié à la possibilité de mettre au monde un enfant trisomique comme sa cousine. Son jeune âge : 33 ans, aurait pu la rassurer, mais son angoisse était plus forte que de raison. Mettre au monde un enfant porteur d’un quelconque handicape fût pour elle une peur constante. Les nombreux livres qu’elle s’acheta sur le sujet pour en savoir plus, la prise de sang et l’angoisse de son résultat suivit du rendez-vous pour effectuer l’amniosynthèse fut livré à l’enfant en plusieurs paragraphes. Une grossesse sans heurt, mais avec une maman angoissée en permanence. L’enfant écoute attentif. C’est alors que je m’adresse à lui pour lui demander s’il y avait entendu et compris. L’enfant se tourne vers sa mère et lui demande : « Je suis dicapé maman ? C’est quoi dicapé, c’est pour ça qu’on est là ? » « Oh, non, tu n’es pas handicapé mon chéri, tu es tout ce qu’il y a de plus normal, tu es même plus que ça, tu es merveilleux, tu es mon fils, je t’aime tellement… »

La séance ce jour là a été un peu prolongée, les séances qui ont suivit ont été plus que riches. La maman de Grégoire lui a parlé de ses craintes quant à la possibilité de le perdre dû à l’examen en lui-même. Grégoire a donc été informé de l’intrusion de l’aiguille dans son univers clos, dans son liquide amniotique, il été informé du silence de sa mère de peur de communiquer l’angoisse à son mari. Il a été informé que cette intrusion dans son calme avait été une obligation pour sa mère afin de l’apaiser. Elle était sereine maintenant. Enfin, il avait compris en ces divers échanges que sa mère le reconnaissait pour ce qu’il était à présent et non pas ce qu’il deviendra un jour et qu’elle n’aurait plus besoin de se rassurer en surveillant sa tranquillité. Elle lui faisait confiance et n’aurait plus besoin de venir le réveiller dans son sommeil pour vérifier qui il est ou qui il n’est pas. Il « était » et elle l’aimait comme il est sans aucune peur qu’il devienne un autre, même si il était différent de ses attentes et de ses désirs, elle l’aimait et l’aimerai comme il est. Grégoire apprit donc à faire confiance à sa mère qui à son tour lui exprima sa gratitude en lui rendant la réciproque. Aujourd’hui, Grégoire à 5 ans, c’est un petit garçon épanoui et très sociable, il est calme et posé et dort 12h00 par nuit. Ses parents ont décidé de recommencer l’aventure, mais cette fois tout sera dit.

Oui la parole simple est la plus belle. La parole libre, celle qui éclaire, parfois il est nécéssaire pour l’affronter de faire appel à un thérapeute, mais plus tôt elle est partagée et plus facile, elle s’ouvre.

Qu’en est il des premiers mots de l’enfant, pas ceux qu’il entend, mais ceux qu’il prononce ?


Il y a une corrélation entre l’entendu, le compris et le dire. Je dirais qu’il y a surtout une forte corrélation entre le ressenti et le dire. Les premiers mots de l’enfant sont souvent ceux qui ont pour lui un lien affectif et un intérêt très fort et sont souvent très concrets pour lui. Ainsi, ils peuvent dire « papa, maman et le prénom écorché des frères et sœurs mais aussi boire, gâteau … ensuite viendra le nom qu’ils choisiront à leur doudou... » Question de « mécanique », les mots ne peuvent être clairement énoncés, à moins qu’ils soient très simple à prononcer. Car leur appareil articulatoire est loin d’être aboutit. Les premiers mots peuvent être prononcés entre 9 mois et 20 mois, la marge est longue. L’environnement, le langage des parents, leur langue, le partage, l’écoute des parents et surtout le tempérament de l’enfant feront la différence. En effet, certains enfants préfèrent parler correctement d’un seul coup et attendent en quelque sortes de pouvoir "mécaniquement" articuler correctement pour se permettre de s’exprimer correctement afin d’être plus précis.

D’autres au contraire, parleront très vite de tel à façon à se faire entendre pour diverses raisons, cela peut-être juste parce qu’ils ont été superbement récompensé, écouté ou parce qu’ils ont le sentiment d’être incompris autrement…

Si l’enfant ne parle pas encore à deux ans, est il en retard ?

Si l’enfant ne s’autorise pas à parler à deux ans, il n’est pas en retard et n’en est pas moins intelligent que l’autre plus volubile. Il n’est certes pas en avance sur le discours, mais peut-être garde t il ses mots pour lui… Reste a en découvrir la raison. Lui offre t on la possibilité de s’exprimer ? Les grands frères et sœurs rigolent-t-ils lorsque le petit tente sa chance ? Le reprend t on à chaque fin de phrases ? Si tel est le cas, peut-être serait il bon de lui redonner une chance en famille en abordant le sujet avec les plus grands.

Bien sur, les parents lui doivent aussi de s’assurer qu’il entend correctement. Il peut également avoir des difficultés motrices. Le « système » articulatoire ( dans la bouche et tout ce qui actionne le langage ) détient une quantité fénoménale de muscles et ce n’est pas facile de maîtriser tout cela.

La seule importance dans tout cela est la compréhension, un enfant de deux ans est sans soucis en mesure de comprendre une phrase simple qui lui permettra d’accéder à une action simple. La souplesse, la patience, le calme, le partage et l’écoute sont encore une fois les maître mots de cet apprentissage.

Lorsqu'un adulte s’adresse à un enfant en bas âge, il ne sert à rien de parler « bébé », de mâcher ses mots. Il ne s’agit pas là non plus de compliquer la chose, mais « ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement ». S’adresser à lui alors devant lui, en s’accroupissant , en articulant correctement, en employant de bonnes tournures de phrases, en parlant clairement, simplement et doucement serait à mon sens le meilleur moyen pour que l’enfant entende, partage et assimile la parole. Préférer aussi les exemples dans les phrases que la correction d’un mot non expliqué, par exemple : « menade » au lieu de promenade. « Oui, tu as raison, allons faire une belle promenade… ».

L’enfant alors s’appropriera le mot qu’il sait pour la plupart du temps prononcer à la vite et petit à petit, chaque mot s’insérera dans son vocabulaire et lui sera acquit.

Bien sur, si vous avez des doutes, sur sa compréhension, sur son audition, vous pouvez en parler à votre pédiatre qui vous aiguillera. Si vos doutes sont portés sur son autorisation personnelle au sein de la famille, vous pouvez aussi vous entourer d’un soutien thérapeutique qui vous permettra de trouver vos clefs pour le faire entendre. Parfois, souvent, c’est juste une question de place. Les rencontres aident souvent à comprendre beaucoup.
Christelle Moreau
Psychothérapeute, psychanalyste
Formatrice en Management et communication
Intervenante à l'Université,
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