L'anorexie est souvent une souffrance associée à la culpabilité de faire souffrir ses proches, mais aussi de se faire souffrir soi-même. La famille culpabilise et reproche à l'enfant ou l'être aimé de ne pas s'alimenter correctement.

Vient se mêler l'affectif, le désordre, le rejet, tout un processus qui engendre différents malaises qui s'accumulent et font que finalement, au devenir, tout tourne autour de cette nourriture, si chargée d'orgueil et de puissance aux yeux de chacun et pourtant si inutile aux yeux des souffrants.

Un manque, un deuil mal compris, mal gérer, une absence peuvent être révélateurs de l'installation du symptôme de l'anorexie. Un propre objectif de futur parent peut en être en ce sens rédempteur. Le détachement avec la mère, la renaissance d'un possible au travers d'une autre personne ( l'analyste dans un premier temps ) permettra peut-être à l'individu de trouver l'envie de ne plus affronter la vie, mais bel et bien de la vivre, tout simplement.

Une parole d'anorexique : "Ne plus être, ne plus devenir, pour enfin exister, souhaiter la disparition de son corps si inutile, si disgracieux, pour devenir une âme, un esprit."

Jessica 24 ans à l'époque, ne pesait pas lourd lorsqu'elle souhaitait totalement devenir une âme. Danseuse classique à la base, elle avait fait subir à son corps les sensations les plus désagréables, les plus douloureuses. Elle allait jusqu'au bout de ses possibles, jusqu'au bout de ses forces dans l'effort. Petit à petit, l'effort qui lui avait été insurmontable jusqu'à présent devenait de moins en moins douloureux, dès lors, elle infligeait un supplice supplémentaire à ce combat contre elle-même. Ne plus dormir, ne plus manger, se faire vomir, ne plus se laver... Jessica voulait se prouver à elle-même ses possibles, ses limites sans vraiment les contrôler, elle voulait vivre et être vivante jusqu'à en sentir la moindre veine, le moindre muscle de son corps.

Ne plus se supporter, car on a pressenti que l'on devait gêner... Une séparation, un divorce, un changement, un déménagement, une nouvelle naissance, peuvent être des causes de ce mal-être. Mais aussi une trop haute pression dans le travail, dans l'attente en général de la mère, mais aussi du père qui apparaît (l'attente) aux yeux de l'enfant comme un impossible devenir, une impossible réalité. Bien-sur, les abus sexuels en font parties, ils en sont malheureusement l'une des causes les plus fréquentes.

Bref, l'image que l'on lui demande d'être ou de devenir ne correspond pas au schéma qu'il se fait de lui.


Ceci étaye à mon sens, le véritable paradoxe de l'anorexie : le vouloir vivre en se détruisant. Le vouloir être invisible tout en se mettant en scène, ne plus pouvoir se regarder et pourtant se mirer pendant des heures en s'"auto-flagellant", le vouloir vivre à tous prix dans sa chaire en sentant la moindre veine, le moindre muscle se déchirer se tordre, fondre pour en fin disparaître et toujours le cri, ce cri d'amour dans la souffrance comme une recherche vers une autre naissance.
Christelle Moreau
Psychothérapeute, psychanalyste
Formatrice en Management et communication
Intervenante à l'Université,
Maison de Santé 7 rue Alfred Mortier 06000 Nice
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