videtropplein — 17-03-2011 19:05

J'ai 22 ans. J'ai tenté de quitter ma famille pour vivre seule : la boulimie est revenue, l'alcool à commencé, la solitude, le noir dans l'appartement, les réveils désespérés, le vide, le corps qui bouillonne mais qu'on fait mine de ne pas entendre, le corps qui n'est plus mien, le corps qui flanche, qui ne sert plus, ne fonctionne plus, qui s'effondre et m'emprisonne. Je suis rentrée au bout de 4 mois. Le retour fut pénible, les habitudes incrustées dans mon emplois du temps, je ne parvenais pas à dissimuler mes tares. Le regard de ma mère, comme un miroir, m'a soutenu tout en me meurtrissant. J'ai repris le sport (ça faisait des années), j'ai fais des régimes, j'ai commencé à travailler, j'ai retrouvé un certain plaisir avec quelques autres (ça faisait des années aussi), mon corps m'échappe encore mais j'ai acquis sur lui une certaine maîtrise qui me pousse à y croire.

Aujourd'hui, je veux retenter le saut, l'envol, mais l'ambivalence m'effraie, la peur de tomber ou de faire chuter ma mère. Tendre mère qui s'accroche un peu trop, tendre mère dont le mari demeure sans exister, tendre mère bien trop seule. Comment la laisser avec lui? Il me semble que la plus grande question de ce thème est pour moi celle-ci. Comment vivra-t-elle? Ou sera la vie alors? Puis-je lui faire ça? Puis-je l'abandonner? Rien n'est claire. Ma peur est-elle la mienne? Ai-je peur pour moi? Ou pour elle?
L'ambivalence. Elle me déchire, m'enferme, m'empêche de partir tout en me répétant que son but est de me voir indépendante. Elle m'oppresse, tente de faire de moi sa chose, la chose qu'elle n'est pas mais qu'elle voudrait être, son idéal. Mais je ne suis pas ma mère, je ne suis pas elle, je suis moi, et ce moi l'angoisse, la hante. Oh je lui en ai fait voir à ma pauvre mère! Elle est restée, fidèle, aimante, persévérante, présente, à l'écoute. Peu de conseil mais beaucoup d'amour. Au fils des années, notre relation est devenue symbiose, un extrême que je souhaitais alors ardemment, une fusion qui m'enferme aujourd'hui. Aliénée à ma mère, aliénée à son chagrin, son attente, sa solitude, ses regrets.
A force de dire, de répéter, de la voir être ce qu'elle est, je me vois devenir elle, de plus en plus, je me vois répéter ses obsessions, je me vois faire ses choix qui pourtant m'ont toujours semblés inadéquats. Petite mère, mon plus grand amour, et mon plus grand fardeau. Je veux m'en séparer. Mais comment puis-je faire?

videtropplein — 17-03-2011 20:48

J'en oublie peut-être un essentiel : mon père. J'ai peur de laisser ma mère seule avec mon père. Qui est ce père?

Pendant longtemps, j'ai beaucoup parler de lui, à ma mère et à celui avec qui je partage ma vie. Plusieurs fois je suis allée à des consultations, psychiatre, psychanalyste, psychothérapeute, mais à eux, je ne parlais pas de mon père, je ne parlais pas beaucoup d'ailleurs. En fait, à cette époque, l'enfermement dans lequel je demeurais trouvait sa cause, son explication, sa rationalité : c'était la faute du père, celui que je voyais tous les jours et qui ne me voyait pas, celui qui évitait le contact, celui qui posait son corps près du notre sans jamais y être, celui qui s'échappait du monde à travers les écrans, ces écrans si captivants pour certains. Il ne me voyait plus, ne nous voyait plus, ni le monde. L'emploi de l'imparfait est trompeur : il était, il est encore, le même. Je le déclarais fautif de tant absence. Il fait de moi une jeune femme frustrée, toujours bouillonnante et inhibée, qui préfère attendre plutôt que de rechercher, parce que, à force d'attendre, l'envie demeure mais perd son charme, c'est alors une envie qui se mêle à la fois au besoin et au dégoût. Bref, je m'expliquais alors mon état par la conduite de mon père.
Mais, durant cette dernière année, je comprend peu à peu qu'il ne s'agissait pas vraiment de mon père mais plutôt de ma mère. Le père joue bien un rôle : il est l'objet du choix de ma mère. Une autre question qui revient : pourquoi et comment y arrive-t-elle? Je la vois se laisser grignoter par la frustration et la solitude, sublimer par résignation, régresser pour jouir ailleurs que dans l'amour. Je la vois se battre pour des principes, purs principes : par exemple, se battre pour un mariage sans amour. Mais qui suis-je pour affirmer qu'il n'y a point d'amour entre eux?
Nous en venons alors au problème des identifications. Qu'est-ce qu'un homme? Un objet de haine principalement, avec toute l'ambivalence du terme. Qu'est-ce qu'une femme? La soumission, l'errance, le don sans essence. Je ne parviens pas à m'identifier aux autres du monde, je les vois à peine. Encore une fois, c'est l'enfermement, une boucle qui se referme, un circuit fermé, l'éternel du désir.
Il y a bien cette hypothèse qui m'écrase : ni ma mère, ni mon père, ce n'est que moi... Mais pourquoi?
Je connais un peu la psychanalyse et sa théorie m'aide beaucoup à m'y retrouver, à m'expliquer tous ces sens interdits, mais ils ne se lèvent pas : un gros STOP, blanc sur rouge, alors je m'arrête! Le transfert pourrait-il donner plus de vie à la théorie? Suis-je capable de transfert psychanalytique?