Marine — 09-01-2008 15:29

Mes interrogations concernent la quête de sens. En effet, tout être humain a besoin d’interpréter ce qui l’entoure et de donner un sens à l’existence et aux limites de la vie (naissance, mort, déficiences, douleur, réussites, etc.).
Même si les approches biologiques, génétiques, anthropologiques, sociologiques apportent quelques éléments de réponse, au même titre que les philosophies et les religions, cela n’a rien à voir avec la psychanalyse/clinique.
Finalement, le sujet se lance dans une véritable quête de sens tout au long de sa vie et il n’y a malgré tout aucune réponse concevable, aucun sens vraiment sûr à nos existence éphémères : la réponse est absente, impossible, inacceptable, insuffisante. Et la clinique n’a, de toute façon, pas à répondre aux questions existentielles des hommes et des femmes. Elle se borne à comprendre pourquoi et comment ils veulent y répondre.
La psychose constitue à cet égard un champ de recherche particulier. La quête de sens peut être comprise comme un processus délirant. Ainsi, dans la démarche d’interprétation se mêlent vérité et délire.
Comme repérer ce qui relève de la réalité et ce qui relève d’une pensée délirante ?
Et surtout, dans quelle mesure peut-on dire que le délire est une manière de poser du sens, d’interpréter ce qui nous entoure ? (je fais notamment référence au délire d’interprétation).
J’aimerai connaître, si possible, votre opinion quant à ce questionnement et/ou avoir des conseils de lecture.

Merci.

-Marine-

Christelle Moreau — 09-01-2008 15:53

Vous êtes étudiante ? Bon, si c'est le cas, faites une recherche du côté de Piera Aulagnier.
Si ce n'est pas le cas, merci d'étayer.

Marine — 09-01-2008 18:43

Réponse à Christelle Moreau

Bonjour,
Je suis effectivement étudiante (Master 1 Psychologie Clinique et Pathologique, à Rennes 2).

Cette interrogation autour de la quête de sens m'a en effet conduite à la lecture de La violence de l’interprétation de P.Aulagnier. Cet ouvrage est difficile à lire mais semble répondre à mon questionnement (quête de sens, questions existentielles, psychose, délire,…).

Voilà ce que j’en ai compris :

La mère énonce à l’infans un discours qui véhicule des interdits, des exigences, etc. Ce discours maternel est porteur de sens et permet la structuration de la psyché de l’infans. C’est pourquoi la mère est considérée comme un « porte-parole ». Elle répond aux besoins vitaux de l’infans, mais aussi et surtout aux « besoins de la psyché ». La mère interprète les besoins de l’infans et impose ainsi ses désirs (choix, pensée, action). La fonction de porte-parole renferme donc une dimension de violence, et cette violence est essentielle dans la relation mère/infans.

Mais cette violence primaire n’est nécessaire que pendant une « phase de l’existence ». Si la mère refuse le changement, l’écart, la séparation, alors il y a un excès de violence. Cet excès comporte certains risques, notamment celui de mener vers le délire. Aulagnier parle de « potentialité psychotique » pour décrire les effets probables d’un discours du porte-parole qui s’est montré défaillant.

Dans cet ouvrage, c’est surtout la question de l’origine qui m’a intéressée. La pensé délirante (ou potentialité psychotique) est à comprendre comme « l’interprétation que se donne le Je de ce qui est cause des origines ». Cette pensée délirante vise à démontrer la vérité d’un précepte concernant l’origine (origine du sujet ou origine de son histoire). Ce postulat provenant du porte-parole est « visiblement faux ». Manque un élément en rapport avec la naissance. Ce qui a été énoncé, c’est un interdit : interdit de connaître l’origine de sa vie. Il s’agit là d’un « secret ». Lorsque l’enfant s’interroge sur sa naissance et que la réponse est absente ou inacceptable, alors l’enfant se forge sa propre théorie des origines.

Mais cette théorie infantile est-elle simplement modifiée (réalité transformée, améliorée) ou est-elle véritablement délirante ?


Je vais évidemment prolonger et approfondir ma lecture. Mais il me semble que ce livre répond déjà à quelques une de mes questions. Je vois notamment apparaître les conditions d’une potentialité psychotique, mais j’ai encore du mal à définir ce concept.

-Marine-

Marine — 10-01-2008 19:34

Réponse à Léo Lavoie.

Tout d’abord merci d’avoir pris le temps de lire mes messages et d’y répondre.

Pour rebondir à votre remarque concernant la responsabilité de la mère, je tiens à préciser que j’ai bien conscience qu’il ne s’agit pas là d’une seule et unique explication à la psychose. Seulement, je faisais référence à un auteur particulier, un ouvrage particulier. J’ai d’ailleurs tendance à penser que cette perception des choses est dépassée, désuète, même si elle est « arrangeante » pour certains. Mère = responsable : c’est trop facile de penser de la sorte ! Nous entrons dans autre temps où nous comprenons enfin que tout n’est pas conséquence du rôle maternel.

Et là est mon problème… Qu’est-ce qui peut conduire au délire dans le cas d’une quête de sens, si ce n’est pas l’Autre ? Mais d’ailleurs, est-ce envisageable de penser la quête de sens comme un chemin vers un éventuel délire ? Si c’est le cas, alors à quel type de délire cela mène ?

J’avoue que mes interrogations sont plutôt confuses. Il faut dire que je suis moi-même en quête de sens et j’ai l’impression d’en « perdre la boule » comme on dit familièrement !

Peut-être devrais-je vous expliquer ce qui m’a conduite à un tel questionnement.
Récemment, j’ai lu un article de Jacques Lecomte (PsychoMédia n°15) intitulé : Comment donner sens à sa vie. A cette question, il répondait par des éléments « bateaux ». Honnêtement, cet articule ne m’a pas apporté grand-chose dans la mesure où il donnait des réponses connues de tous (donner du sens à sa vie grâce aux relations affectives, aux pensées et croyances et à l’action).
Cet article ne m’a pas apporté grand-chose ? Au fait, si. Il m’a poussée à trouver d’autres réponses (s’il y en a). Et ça m’a conduite assez loin dans la mesure où actuellement je m’interroge sur le lien entre quête de sens et délire.

Bon, je ne sais pas si j’ai été très claire. Mais une telle problématique suscite chez moi une certaine effervescence qui brouille ma pensée et surtout ma façon de m’expliquer.

-Marine-
Une étudiante en quête de sens…

Christelle Moreau — 10-01-2008 23:51

marine a écrit:

la clinique n’a, de toute façon, pas à répondre aux questions existentielles des hommes et des femmes. Elle se borne à comprendre pourquoi et comment ils veulent y répondre.

Parfait :)

marine a écrit:

La quête de sens peut être comprise comme un processus délirant. Ainsi, dans la démarche d’interprétation se mêlent vérité et délire.

Absolument , lisez Capgras et Serieux dans leur ouvrage de 1909, les folies raisonnantes...
Voici comment ils définissent la chose : « raisonnement faux ayant pour point de
départ une sensation réelle, un fait exact
, lequel, en vertu d’associations d’idées liées aux tendances, à l’affectivité, prend, à l’aide d’inductions ou de déductions erronées, une signification personnelle pour le malade, invinciblement poussé à tout rapporté à lui »

Il est important de pouvoir et de savoir distinguer névrose de délire chronique paranoïaque, cette psychose ne peut être traiter par la psychanalyse ou par une psychothérapie. Sa possible évolution doit être stoppée par une intervention médicamenteuse et ne peut être suivit que par un psychiatre.

marine a écrit:

dans quelle mesure peut-on dire que le délire est une manière de poser du sens, d’interpréter ce qui nous entoure ?

Contrairement à l'hallucination, qui n'est qu'une conception de l'esprit, le délire appartient à un fait "vécu", il a donc le sens de son interprétation pour l'auteur lui même.

marine a écrit:

Qu’est-ce qui peut conduire au délire dans le cas d’une quête de sens, si ce n’est pas l’Autre ?

"Les développement des centres cérébraux d’association qui tiennent sous leur dépendance les perversions du jugement, les lacunes du sens critique, les troubles de l’affectivité (---)ainsi que le délire d’interprétation relève essentiellement d’une malformation congénitale, bref de la dégénérescence"

a écrit:

est-ce envisageable de penser la quête de sens comme un chemin vers un éventuel délire ? Si c’est le cas, alors à quel type de délire cela mène ?

Tout dépend du parcours de chacun, mais si le sujet n'est pas psychotique, non.

Pour ce qui est des livres à découvrir, si ce n'est déjà fait qui se rapporte au sujet de près ou de loin :
Pour le plaisir de la quête...une autre ... : 

PSYCHIATRIE ET PENSÉE PHILOSOPHIQUE
Intercritique et quête sans fin de Claude-Jacques Blanc

Pour le théorique / pratique :

Dans Freud , les mieux adaptés à mon sens sont :
Les psychonévroses de défense et la perte de la réalité dans la névrose et la psychose, 1924
et
Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa,Shreber...
et
Les relations de dépendance du moi, 1923.


Après forcement on trouve :
Kraepelin,  Introduction à la psychiatrie clinique
et Ecrits psychiatriques de Lasègue, très bien fait mais il est en rupture de stock, donc direction : bibliohèque pour les deux ou sur ebay ou encore d'occasion.

Pour les ouvrage de Lacan , je vous orienterais vers :
Le stade du miroir dans la fonction du "je"
et
De La Psychose Paranoiaque Dans Ses Rapports Avec La Personnalite
Auteur : Lacan, Jacques
Editeur :     Points
Collection :     Points Essais, rupture de stock...

Voici pour votre quête de sens :)
Bonne lecture
PS : Si d'aventure vous les preniez chez nous ( dans la librairie )sachez que nous pratiquons les mêmes tarifs que les autres libraires en ligne ( pas de frais de livraison, et 5%)
PS2 : j'ai inséré les liens des livres dispos, pour les autres, j'ai mis les titres en bon et due forme.

Marine — 14-01-2008 11:32

Réponse à Christelle Moreau

Merci pour tous ces conseils. Je vais tout de suite me plonger dans la lecture de ces ouvrages ! Je pense revenir sur le forum afin de parler de ces livres, ou plutôt de ce que j'en ai compris !

En attendant, j'ai une autre question. Il s'agit de la définition du "sens". En effet, il y a plusieurs sens au mot "sens" ! Les sensation auditives, tactiles, etc ; la direction ou l'orientation ; l'interprétation ; la faculté de juger ; la signification ; ...
Ainsi, est-ce que la psychanalyse et/ou la psychologie attribuent une définition particulière à cette notion ? Notamment quand il s'agit de "quête de sens" ou "sens de l'existence" ?

Merci !!

-Marine-

Christelle Moreau — 14-01-2008 18:06

Le sens porte plusieurs significations : tout d'abord le sens dans lequel la personne va diriger ses entretiens et celui qu'elle va attribuer à son analyste, bref, l'activité analytique en d'autre terme et pour comprendre la sémantique ainsi composée de l'activité d'orientation.
Puis vont venir se méler "les sens-ations" où nous devons ne pas négliger l'étroit rapport , toujours présent, entre la sensation neurologie et ce qui va en découler dans la séance de psychanalyse, c'est pourquoi, l'on ne peut dissocier corps et psyché, entre autres.

le corps étant en quelque sorte "l'écran de projection de nos propres désirs".

Sans corps , il n'y a plus de sens , au sens que la sensualité, les sentiments sont liés au sens et donc à notre histoire...
A lire :

Le Corps et le Sens : Dialogue entre une Psychanalyste et un         
neurologue
Auteur : Lechevalier, Bianca ; Lechevalier, Bernard
Editeur :     Delachaux & Niestle
en rupture de stock chez notre partenaire

et puis

dans un autre style pour ne pas dire ( sens ) moins averti en-core un rapport avec le corps ou "les sens" que veut bien lui attribuer celui ci :
ce livre non dénué de sens et très ludique au mien :

Psychanalyse Des Sens : http://www.psychanalyse-en-ligne.org/li … -sens.html

Bonne lecture et permettez moi de vous dire que vous travaillez à mon sens , vraiment dans le bon sens. :)

Quand vous aurez lu tout ceci, pourrez vous me dire à mon tour, pourquoi la vidéo conférence n'exclus pas les corps, donc l'en-corps ou encore l'étroit rapport entre neurologie et psychanalyse ...
Et pourquoi l'analyse en ligne si vidéo-conférence il y a , est elle donc possible ?

Marine — 16-01-2008 14:08

Réponse à Christelle Moreau

Bonjour,

Tout d'abord, merci pour vos précieux conseils et vos apports théoriques. Je commence à y voir plus clair… même si cette "quête de sens" reste ambiguë, imprécise et infinie.

J'ai d'ailleurs une autre question quant à cette quête, ou plutôt sur la manière de poser du sens. Je pense notamment au mythe.
Le mythe ne serait-il pas une façon de mettre du sens à notre existence ? En effet, c'est par le mythe que nous tentons de répondre à des contestations, des impossibilités, des béances, etc. Il concerne plus particulièrement la question des origines. Ainsi, le mythe serait un savoir ; un savoir qui cherche à faire ressortir la vérité.
Reste à expliquer ce qu'est vraiment la vérité… Pour tenter d'en apporter une brève définition, je m'appuie sur un texte de Freud (L'analyse avec fin et l'analyse sans fin, 1937). Il parle de "l'amour de la vérité" pour désigner "la reconnaissance de la réalité". Il y aurait donc un lien étroit entre vérité et réalité ?

Je pense que cette triade (mythe – vérité – réalité) prend une place importante dans cette "quête de sens". Il faut que j'y travaille !

Merci encore de prendre le temps de lire mes messages et surtout d'y répondre.
Si d'autres personnes veulent intervenir, n'hésitez pas !

-Marine-

Christelle Moreau — 16-01-2008 14:26

"le comique de la psychose : c'est pour
ça qu'on nous dit couramment que l'amour est une folie. La différence est
pourtant manifeste entre " y " croire, au symptôme, ou " le " croire. C'est ce
qui fait la différence entre la névrose et la psychose. Dans la psychose, les
voix, tout est là, ils y croient. Non seulement, ils y croient, mais ils
les croient. Or, tout est là, dans cette limite. La croire est un état" Lacan (RSI) 15 avril 1975

La réalité et la vérité sont étroitement liées ? Est ce vraiment une question ? Si ça l'est Mademoiselle, alors , regardez vos mythes en analyse et vous découvrirez le reste...
Bonne journée.