Le tabagisme De l’initiation au sevrage (L. Fernandez, F. Letourmy) septembre 2007 Paris : Armand Colin. collection 128
2. Le tabagisme féminin 2.1. Données statistiques Parmi les pays européens, la France a le triste privilège de se situer dans le peloton de tête, avec le Danemark et les Pays-Bas, bien que le tabagisme féminin soit en décroissance : 32 % des femmes fumaient en 1985-1986, 25 % en 2002-2003. Cependant, la prévalence chez les jeunes femmes entre 18 à 24 ans est importante (46 %). Les femmes qui ont commencé à fumer dès l’entrée dans l’adolescence deviennent assez rapidement dépendantes, et, à l’âge de 18 ans, la dépendance est déjà bien enracinée. Le tabagisme des femmes est plus fréquent que chez les garçons jusqu’à l’âge de 17 ans (21,2 % chez les garçons, 26,9 % chez les filles, Baromètre Santé Tabac, 2000). En revanche, les femmes s’arrêtent le plus souvent de fumer dès la tranche d’âge de 25-34 ans. Mais 37 % d’entre elles restent fumeuses avant la grossesse. Le pourcentage ne descend pas en dessous de 27 % pendant toute la période de fécondité (conférence de consensus, grossesse et tabac, octobre 2004). 2.2. Spécificités du tabagisme féminin La cigarette comme symbole identitaire Pour Sledziewski (2004), le tabagisme n’affecte pas de façon identique la fumeuse et le fumeur. Indépendamment des effets pathogènes spécifiques de l’addiction, le tabagisme féminin a un sens différent du tabagisme masculin. Avant la première guerre mondiale, les rares femmes qui fumaient transgressaient un tabou social, puisque fumer était l’apanage de la gent masculine. En moins de cent ans, la consommation de tabac s’est largement répandue chez les femmes. Le tabagisme s’est progressivement enraciné dans le mode de vie féminin du fait du contexte social, politique et culturel. La cigarette fait partie des attributs symboliques de l’émancipation (liberté, rébellion), de la féminité et de l’élégance, du prestige et de la séduction, de la sophistication, du plaisir, de la romance, de l’attirance sexuelle, du sport, de la sociabilité, de la relaxation, de la jeunesse, de la prise de risques et de la minceur, puisque la cigarette, en tant que coupe-faim, a aussi un usage diététique (Amos et al., 1998). La femme occidentale, en peine de repères identitaires, a mis en scène grâce au tabac la différence des sexes. George Sand fut la première à proclamer que la modernité allait transformer la différence des sexes, et à en faire la preuve par le tabac. Carmen, la cigarière, rouleuse et fumeuse de tabac, est aussi venue bousculer les codes. La libération de la femme s’est ainsi vue passer à la fois par la libération tabagique (savoir fumer, le faire et ne pas pouvoir s’en passer) et la libération sexuelle. Fumer constitua ainsi une manière d’assigner une place à sa propre identité, de révéler sa propre féminité, voire d’annuler la différence des sexes en se libérant de la domination masculine et de l’ordre patriarcal. La cigarette comme béquille psychologique Les profondes modifications produites dans la vie des femmes (activité professionnelle, cumul des charges familiales, responsabilités professionnelles) ont eu des répercussions sur les conduites addictives, et en particulier sur le tabagisme. Fumer permet aux femmes de se débarrasser des tensions, qui, étant donnés les attentes et les rôles culturels, ne peuvent bien souvent pas s’extérioriser autrement (agressivité, colère, refus, égoïsme). Pour les femmes, répondre à ces attentes et supporter leurs rôles assignés culturellement peut également engendrer un stress, auquel le tabagisme apporte une réponse. À cet égard, la cigarette peut être considérée comme un mécanisme qui permet de s’en sortir tout en influençant positivement l’estime de soi : elle permet aux femmes d’atteindre un idéal de comportement féminin qui leur est imposé par la culture, en tant qu’épouses, mères et filles. L’attrait de l’objet cigarette Parmi les raisons qui poussent les femmes à fumer, la séduction de l’objet cigarette occupe une place majeure. Il semble également que les stimuli sensoriels associés à la cigarette jouent un rôle important chez les femmes. Pour Sledziewski (2006), poser la spécificité de la relation féminine au tabac est impératif. Il faut pour cela produire une approche anthropologique qui consiste, d’une part, en une phénoménologie visant à décrire et à interpréter les comportements des fumeuses, d’autre part, en une critique des représentations qui accompagnent ces comportements et leur fournissent une légitimité sociale compensant les désagréments immédiats du tabac. Des documents sur les femmes et le tabac (affiches, brochures, …) sont téléchargeables sur les sites suivants : www.stop-tabac.ch ; www.sfa-ispa.ch , www.tabac-net.ap-hop-paris.fr ; Inpes : http://www.cfes.sante.fr , http ://www.tabac.info.net (Thèmes : femmes), http://www.ensp.org/reports.cfm (ACF39C4.doc).
Introduction 5 Chapitre 1 7 Tabac et tabagisme 7 1. Le tabac : définition, culture et variétés 7 2. Les différentes façons de consommer du tabac 8 2.1. Cigarettes 8 2.2. Cigares et pipes 9 2.3. Prise (ou snuff-dipping) 10 2.4. Chique (tabac sans fumée ou smokeless tobacco) 11 2.5. Tabac à rouler 11 3. Le tabagisme 12 chapitre 2 13 De l’initiation à la sortie 13 1. L’entrée du tabagisme : pourquoi fumer ? 13 1.1. La conquête du feu ou l’induction du tabagisme 13 1.2. Le rôle du groupe social dans l’initiation du tabagisme 15 2. Le maintien du tabagisme : pourquoi continuer ? 16 2.1. Dynamiques d’influence sociale et maintien du tabagisme 16 2.2. Lien réciproque entre l’enjeu identitaire et le maintien du tabagisme 17 3. La sortie du tabagisme : pourquoi s’arrêter, ou la manière de s’arrêter 18 Chapitre 3 20 De la dépendance tabagique à l’addiction tabagique 20 1. La dépendance physiologique à la nicotine 20 1.1. Comprendre cette dépendance 20 1.2. Évaluation 24 2. La dépendance psychologique et comportementale au tabac 25 2.1. Comprendre cette dépendance 25 La signification psychologique du geste 27 Le rôle de la motricité : l’objet transitionnel 28 2.2. Évaluation 29 3. L’addiction à la nicotine 32 3.1. Addiction ou habituation ? 34 3.2. Intoxication 35 3.3. Usage compulsif ou hautement contrôlé 35 3.4. Effets psychoactifs 36 3.5. Comportement renforcé par la drogue 37 4. Peut-on parler d’addiction tabagique ? 43 Chapitre 4 46 Formes cliniques contemporaines du tabagisme 46 1. Le tabagisme des adolescents 46 1.1. Données statistiques 46 Importance du tabagisme chez les adolescents 47 Âge d’entrée dans le tabagisme 47 Usage quotidien du tabac 47 Tabac et sevrage 47 Tabac et nouvelles technologies 48 1.2. Tabac, autres addictions et comorbidités 48 1.3. Fonctions du tabagisme pour l’adolescent 49 1.4. Tabagisme des adolescents et prévention 52 2. Le tabagisme féminin 53 2.1. Données statistiques 53 2.2. Spécificités du tabagisme féminin 53 La cigarette comme symbole identitaire 53 La cigarette comme béquille psychologique 54 L’attrait de l’objet cigarette 54 3. Le tabagisme des sujets âgés 55 3.1. Conséquences du tabagisme des sujets âgés sur leur santé 55 3.2. Bénéfices et facteurs de réussite du sevrage des sujets âgés 55 4. Tabagisme et autres addictions 57 4.1. Tabac et alcool 57 4.2. Tabac et cannabis 58 4.3. Polyconsommation 60 5. Tabagisme et comorbidités 61 5.1. Tabagisme et anxiété 61 5.2. Tabagisme et dépression 63 5.3. Tabagisme et schizophrénie 64 Chapitre 5 67 Le tabac : un outil psychologique 67 1. Qu’est-ce qu’un fumeur ? 67 2. Personnalité du fumeur 68 2.1. L’extraversion et le neuroticisme (Eysenck) 69 2.2. La recherche de sensation (Zuckerman) 69 2.3. La recherche de nouveauté (Cloninger) 70 3. Approches psychopathologiques du tabagisme 71 3.1. S. Freud 71 3.2. M. Fain et D. Braunschweig 73 3.3. O. Lesourne 74 3.4. J. McDougall 76 3.5. P. Gutton et J.L. Pedinielli 77 3.6. A. Charles-Nicolas 78 Chapitre 6 80 Le sevrage tabagique et les modalités de prise en charge 80 1. La motivation à l’arrêt 80 2. Traitements et prises en charge 82 2.1. La substitution nicotinique 82 2.2. Les dispositifs transdermiques : timbres 82 2.3. Les substituts nicotiniques par voie orale 83 2.4. Les traitements médicamenteux : buproprion ou Zyban 84 2.5. Les traitements médicamenteux à l’étude : Rimonabant, Varénicline, vaccins 85 2.6. Les traitements non médicamenteux 85 Conseil et préparation à l’aide à l’arrêt du tabac 86 Les thérapies cognitives et comportementales 87 2.7. Le psychologue en tabacologie 88 Apprécier la nature et l’importance des dépendances 88 Évaluer les motivations à l’arrêt 89 Reconstituer l’histoire du tabagisme 89 Dispenser une aide médicale permettant l’arrêt du tabac 89 Mettre en place une prise en charge psychothérapique adaptée à chaque fumeur 90 Que soigne le psychologue ? 91 Modalités de soin et de prise en charge thérapeutique 93 3. Exemple de déroulement d’une consultation de tabacologie 97 Conclusion 99 Bibliographie 102
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