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A Spleen

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Tedirgin
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A Spleen

Bonjour Spleen,

Tout d'abord, merci pour tes encouragements lors de ton premier message.

J'ai lu ton post et, en effet, nos histoires sont sensiblement les mêmes.

Le poids d'une histoire familiale que l'on a occultée ou non connue peut, je le crois, être tout aussi douloureuse.
J'ai une petite soeur de 10 ans ma cadette, née après les périodes les plus mouvementées de mes parents. Dans nos silences, nos allusions ou nos éclats aujourd'hui, elle sent le malaise d'une histoire qui leste les souvenirs de notre passé. Certains événements se sont même produit quand elle était très jeune (3 ou 4 ans) ou lorsqu'elle était à l'école, et ma mère excusait ses hématomes par des accidents domestiques. La petite ne s'en souvient pas aujourd'hui.
Depuis toujours, nous avons pris le parti, ma soeur aînée et moi, de ne pas lui en parler ou de trouver un moyen de l'éloigner quand des crises surviennent. Dans le but de ne pas la bouleverser, pour la préserver, comme nous aurions sans doute voulu l'être.

L'année dernière, elle a du aller consulter car elle se sentait exclue du clan familial. Elle avait le sentiment que l'on minimisait ses problèmes d'adolescente car, inconsciemment, et par des phrases laconiques, nous mettions en avant un passé qui nous paraissait plus dramatique, relativisant de manière frustrante son malaise : "Oh, arrête te plaindre, on a connu pire dans cette famille..."

C'était absurde bien entendu. Et je comprends au final que les choses sont compliquées pour elle. Autant qu'elles l'ont été pour nous, malheureusement. Elle vit dans une famille dont les mécanismes ou les modes relationnels se sont mis en place au fil d'événements qu'elle n'a pas connus. Et, bien sûr, elle ne les comprends pas mais les a adopté par automatisme. Bien qu'elle n'ait pas été témoin de la violence de mon père, elle éprouve pour lui le même mépris et dit le détester. Pourquoi? Parce que à l'époque où elle est née, le fait que mon père était un homme détestable était déjà un fait imposé. Lui témoigner de l'amour et de l'affection ou simplement lui adresser la parole n'étaient déjà plus d'actualité. Encore aujourd'hui, il est là, mais nous passons notre temps à l'ignorer ou à rouler des yeux au ciel quand il ouvre la bouche. Il n'a plus aucune crédibilité paternelle. Et ma petite soeur qui vit encore chez mes parents trouve tout à fait naturel, à 18 ans, de n'échanger aucun mot avec son père, depuis des années, et se sent totalement exaspérée quand il lui adresse la parole. 

Une phrase en particulier m'a interpellée dans ton post: lorsque tu dis que tu culpabilises et que tu en veux à ta mère.
J'ignore quelle en est l'explication, mais j'ai l'impression que c'est un sentiment naturel, née d'une frustration à l'idée qu'on a manqué la chance d'avoir une famille heureuse et unie. C'est important que les femmes battues le sachent, il arrive qu'à ne plus trop savoir qui blâmer, les enfants finissent par accuser leur mère, celle qui elle-même était victime, de n'avoir pu s'extraire de cette situation et de leur avoir fait traverser ces épreuves.
Dans la confusion, et quand les relations devenaient difficiles avec ma mère, parce que j'en avais assez de la voir si négative et déprimée, la pensée qu'elle avait peut-être "mérité" les coups m'a traversée l'esprit.
J'ai commencé à raisonner à l'envers et à chercher "chez ma mère" les causes de la violence de mon père. Je me demandais si elle l'avait assez aimé, si elle ne l'avait pas trop enquiquiné par moment, si elle ne l'avais pas rendu malheureux au point qu'il en perde le contrôle de lui-même. Je crois qu'il m'était simplement difficile d'admettre que mon père, tout en sachant pertinemment que nous souffrions de son attitude, refusait de changer, même par amour pour ses enfants.

La culpabilité, quant à elle, est née, dans mon cas, de l'impuissance. L'impuissance de n'avoir pu protéger ma mère. A côté des moments où je tenais faiblement tête à mon père, il y avait les moments où je ne pouvais pas intervenir (parce que j'avais peur et que je me contentais d'observer la scène d'un bout de la pièce, tétanisée), ou bien les moments où je ne "voulais" pas intervenir, parce que je n'en pouvais plus de devoir l'affronter à nouveau. Dans ces moments-là, j'écrasais l'oreiller sur ma tête ou je mettais la musique à fond dans mes oreilles, au beau milieu de la nuit, pour ne plus entendre les cris.

Et parfois, je dois être paranoïaque, j'ai l'impression de lire la déception dans les yeux de ma mère, de n'avoir eu des enfants plus courageux. Elle nous disait à nous, particulièrement ses filles, qu'il était important que nous fassions des études, pour ne jamais être dépendante d'un homme. Elle nous disait d'obtenir un diplôme et un boulot, que quand nous serions grandes, nous pourrions ainsi nous sauver et la "sauver" de mon père.
J'ai eu le diplôme, j'ai eu le boulot, mais je ne l'ai pas sauvée.

Ta maman a été extrêmement courageuse, parce qu'elle s'est sauvée elle-même, et c'est une formidable preuve d'estime de soi et d'amour pour ses enfants.

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