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Colloque de la SMP : Hommage à Conrad Stein

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Colloque de la SMP : Hommage à Conrad Stein

La SMP a le plaisir de vous annoncer son prochain colloque :

Nouvelles formes de vie et de mort  : une médecine entre rêve et réalité



les 14, 15 et 16 janvier 2011 à La Cité Universitaire, à Paris.

Conférences plénières et ateliers du vendredi en fin d'après-midi jusqu'au dimanche 13 heures.


Pour toute information : agnes.cousin@medpsycha.orgCette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Agrément formation continue, n°: 11753805075


Nous remercions nos partenaires dont l'aide a permis l'organisation matérielle de ces journées. Tout particulièrement

Le Château Saint-Pierre, 33250 Saint Julien Beychevelle ( domainemartin@wanadoo.frCette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.


Être plus fort que la mort.



Nous pouvons maintenir qu’en psychanalyse il n’est pas question d’un souhait d’être immortel. En revanche, nous devons affirmer que la psychanalyse est fondée sur la négation de la mort. Négation de la mort, ou plutôt ignorance de la mort, je l’ai déjà dit, dans le rêve qui est retrouvaille du paradis perdu ; et Freud aurait pu dire que l’inconscient ignore la mort comme il ignore la négation, car il est négation. […]

L’interprétation du rêve est une œuvre et, de même que la présentation d’un séminaire, de même que toute œuvre, elle repose sur la négation de la mort. Mais cette œuvre est produite comme un mémorial de la virtuelle immortalité qui était celle du rêveur et qui ne saurait s’accomplir autrement qu’en ce mémorial. Du même coup, elle témoigne de ce que le rêveur est mortel […]. Il ne s’agit, en définitive, de rien d’autre que de la répugnance qui nous habite tous, à reconnaître que nous sommes mortels.


Conrad Stein, Aussi je vous aime bien, Paris, Denoël, 1978, p. 45-46





Discours lu par Roland Gori lors des funérailles de Conrad Stein, Paris, 20 août 2010.



Conrad,

Auprès de Danièle, de Stéphanie, de Jacques-Etienne, de toute ta famille et de tes amis, je viens comme on dit te rendre un dernier hommage.

Hommage à l’ami intime, hommage à un Maître, un maître qui savait oser la fraternité.

« Adieu vive clarté de nos été trop courts », ce vers de Chant d’automne de Baudelaire, c’est celui qui me vient aujourd’hui.

Ce vers de Baudelaire, c’est aussi celui d’un souvenir, le souvenir du très beau texte que tu as écrit à Parc Trihorn, « La traversée du tragique en psychanalyse », et dont j’ai eu la chance durant ces vacances-là de partager avec toi les moments de création. Je t’ai vu travailler tes notes, notes de séance d’une patiente qui traversait des moments de dépression à chaque fois qu’il était question de se séparer de toi. C’est le moment où comme tu l’as souvent dit, nous sommes confrontés au réel de l’existence.

Ce réel, aujourd’hui Conrad tu nous y confrontes. Puissent ton travail autant que les souvenirs de ta personne nous aider à le traverser.

Ta personne, c’est l’immense générosité de l’homme autant que l’exigence qui l’accompagnait. Cela pourrait se nommer le charme, charme de la parole, du regard, de la présence forte d’une intelligence analytique toujours en éveil.

Ton travail, ton œuvre, a eu pour moi de fortes conséquences. Tu es avec Robert Pujol, celui qui m’a appris ce que je sais du travail psychanalytique, et des exigences de sa méthode. Jamais autant qu’avec toi, je n’ai compris ce qu’était la réalité psychique, sa spécificité, sa permanence aussi dans le travail du rêve, son incarnation dans la cure et les effets de la parole du psychanalyste qui en permettent l’accès.

Tu éveillais en nous le Désir de l’analyse en nous faisant partager la tienne. Même au moment où on s’y attend le moins, par exemple lors d’une promenade au jardin du Luxembourg, on se promène, on papote des enfants, des collègues, de la vie qui passe et puis tu me racontes un rêve et me voilà parti moi aussi à te parler d’un patient ou d’un rêve, ce qui revient au même puisque c’est celui qui parle qui s’ouvre à sa propre analyse. De cela aussi tu étais le garant. Le garant d’une ouverture à la magie de la parole, de ses effets de séduction et de la manière de s’en déprendre.

C’est d’ailleurs par tes recherches sur le pouvoir libidinal de la parole que j’ai rencontré ton travail au milieu des années 1970 en lisant L’Enfant imaginaire. Je terminais alors  Didier Anzieu une thèse sur l’Acte de parole. Et l’acte de parole si un analyste a su en parler, c’est bien toi. La parole comme acte sexuel. C’est d’ailleurs le titre d’une de tes communications que j’ai eu l’honneur de publier dans un numéro de Cliniques méditerranéennes de 1994 qui t’a été consacré. L’originalité de ton travail par rapport à tous ceux qui l’ont précédé c’est que cette parole tu l’as placée au centre de la situation de la cure, de ses processus comme de ses effets. C’est une parole sensible.

Et cette parole, Conrad, c’est aussi celle qui va nous manquer, c’est par excellence la tienne, cette parole vraie, nourrie d’une langue pure comme le cristal, précautionneuse, retenue parfois dans la prudence et l’attention, toujours affectueuse. L’affection de la parole dont se constitue le transfert, nous la vivions avec l’œuvre et avec l’homme. C’est vrai qu’avec ta voix, chaude et grave, tu produisais des effets magiques sur chacun, effets de séduction autant que de crainte. « Paroles merveilleuses » disait Danièle, même « quand le corps ne suit plus ».

Paroles d’humour aussi. Il y a quelques semaines encore tu me disais qu’un des avantages et non des moindres de ta situation, c’était que tout le monde était gentil avec toi, prévenant  et agréable. Tu venais juste d’être opéré. Ensuite nous avons parlé de la manière dont aujourd’hui le langage était maltraité. Connaissant tes exigences sourcilleuses à l’endroit du vocabulaire et de la grammaire, j’ai voulu te taquiner en te demandant si tu comptais soumettre les infirmières à une dictée, à quoi tu m’as rétorqué : « ce ne serait pas prudent » !

Si je rapporte cette confidence au-delà du témoignage de l’humour et du courage dont tu savais faire preuve, c’est pour dire que, selon moi, chez toi, l’orthographe, les exigences de la langue, étaient une éthique. L’orthographe comme éthique. Comme si l’orthographe dans l’écriture imposait à la parole séductrice des règles ! Sur le style aussi tu étais exigeant.

Je me souviens au début des années 1990, alors que Danièle et toi, vous m’offriez affectueusement l’hospitalité, être resté jusqu’à 2-3H du matin pour corriger un de mes textes en vue de sa publication dans Etudes freudiennes. Deux ou trois heures du matin, c’était pour moi une heure avancée de la nuit et sans nul doute pour toi un début de soirée. J’étais tellement épuisé que je t’ai proposé de ne pas le publier. Tu m’as répondu une de tes phrases favorites : « il n’en est pas question ». C’était sans appel comme d’habitude. Comme quand je t’ai proposé ma démission de la Présidence du groupe méditerranéen d’études freudiennes et que tu m’as répondu qu’il n’en était pas question et que j’étais président à vie. Plus tard j’ai compris tes exigences pour le style, ton amour de la langue, amour des enveloppes culturelles, enceinte symbolique, matrice poétique de « l’enfant toujours vivant en nous ».

Ma rencontre avec ton travail et ta personne a été pour moi déterminante dans ma pratique et ma théorisation. Rencontre à laquelle Danièle n’a eu de cesse d’œuvrer et Marie-José de l’accompagner.

Je ne peux pas dire tout ce que je te dois, mais c’est beaucoup. Et je crains que ma gratitude ne demeure inégale à ma dette.

J’ai appris grâce à toi une méthode, la méthode Conrad Stein. Méthode qui a fait le tour du monde et le tour des professionnels de toutes sortes. Méthode qui permet une transmission authentiquement psychanalytique du travail de l’analyse. Méthode qui permet à celui qui s’y autorise à entendre les effets de son transfert à la vérité du patient qui l’affecte. Méthode qui permet en parlant d’une rencontre avec un patient d’identifier la réalité psychique que l’on peut en avoir. Ce n’est pas une supervision technique, une pratique pédagogique de contrôle dont tu nous as appris à propos de Ferenczi le caractère « terroriste », mais une pratique au cours de laquelle on peut parvenir à entendre les représentations que l’on se fait du patient et le transfert qui les fabrique.

« L’analyse est toujours l’analyse de celui qui dit », telle est ta méthode et ta théorie.

C’est toute une conception originale de la cure qui découle de cette problématique : l’analyse est l’affaire des analysants qui en apprennent le métier auprès de l’analyste. « Le métier d’analysant », voilà encore une de tes idées fortes. C’est ce métier d’analysant qui permet à l’analyste de poursuivre pour son propre compte sa propre analyse à l’occasion de la cure de ses patients. Faute de quoi, il serait gagné par toutes les tentations que favorise la situation analytique, à commencer par la folle tentation de se faire le « lecteur des pensées » des patients.

La « situation psychanalytique », voilà encore une de tes idées qui te permet d’insister sur les conditions qui fabriquent une réalité psychique autant qu’elles la révèlent. Toujours, je t’entendrai nous rappeler que l’objet de la psychanalyse, c’est la réalité psychique dont le paradigme est le rêve, le rêve donateur de l’infantile. D’où ton refus obstiné d’une clinique psychiatrique, ta réserve à l’égard des interprétations générales et ta méfiance à l’endroit des sociétés psychanalytiques et du « secteur réservé du transfert » qu’elles créent. Tout projet, disais-tu, de guérison ou de formation fait obstacle à l’analyse conçue comme la mise en œuvre d’une méthode dans une pratique. Si on s’entend sur le sens commun des mots, il n’y a plus d’analyse possible.

C’est d’ailleurs ce pouvoir de la situation psychanalytique de créer de la réalité psychique à analyser, qui fait que la souffrance de la situation analytique n’est plus la même chose que les souffrances au nom desquelles les patients viennent consulter. Toute l’expérience de la cure est centrée par toi et pour toi dans la pragmatique analytique des effets de parole. Parole qui ne détient son efficience que de la conjoncture dans laquelle elle intervient, celle de l’injonction paradoxale de devoir parler librement.

La rigueur de ton épistémologie m’a souvent troublé. Tu disais souvent que tu devais quelque chose à Lacan mais tu ne savais pas quoi. Mais je crois qu’au moment où tu prononçais cette phrase c’était souvent, au moins pour moi, à un moment où il était question de l’épistémologie du champ de la psychanalyse.

Conrad, je ne sais pas trop comment le dire encore et encore, mais je te dois beaucoup dans ma pratique d’analyste, dans ma pratique des contrôles, dans mon épistémologie. Ce fut pour moi une vraie rencontre, comme celle que j’ai eu avec Pujol et sa théorie personnelle du signifiant.

Avec mes analystes femmes, j’ai appris la solitude et l’état de détresse de l’enfant démuni, avec Pujol et toi j’ai appris les mots pour les dire et les phrases pour les penser, mais surtout le chemin pour y parvenir.

Ce que je tarde aussi à te dire c’est l’amour et l’admiration que je te porte. A Etudes freudiennes, comme à la Villa d’Eylau ou à Saint-Michel, tu m’as toujours accueilli avec Danièle à bras ouverts, tu savais charmer, réprimander, exiger et donner. Et grâce à toi, à vous Danièle et toi, j’ai rencontré des gens formidables et noué des liens très forts.

Il y a eu aussi à Marseille des moments très intenses, très passionnants, notamment quand tu as voulu fonder le Groupe méditerranéen d’Etudes freudiennes. Les collines de Marseille s’en font encore l’écho. Ce fut un travail inoubliable avec des tonnerres de voix et des éclats de pensée. Au-delà de notre petit groupe dont tu contrôlais fermement l’accès, des patients, des étudiants, des collègues, ont pu bénéficier de ce travail. Des générations d’étudiants d’ailleurs se réfèrent à toi, à ta méthode et ton œuvre, toi qui te plaignais souvent de ne pas être suffisamment lu et travaillé. Ce qui est en partie faux, tant nous sommes nombreux à travailler avec toi, ta méthode et tes concepts. Ce qui est vrai en partie aussi tant les sociétés psychanalytiques se méfient des positions marginales et des chemins de traverse. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs les lacaniens autant que les ipéistes de respecter ton œuvre et ta personne. C’est la Nomenklatura des sociétés qui t’a fait payer le prix fort de la liberté. Mais comme tu avais une conscience politique aiguë, tu savais bien qu’il ne pouvait en être autrement. Tu as voulu rester « insulaire » comme l’as écrit Monique Schneider, avec toujours permanente ce désir de te cacher et cette hantise de ne pas être découvert.

Voilà Conrad ces quelques mots, bien insuffisants pour évoquer ton œuvre et ta personne, aujourd’hui où tu nous confrontes au réel de l’existence.

Réel que nos rêves se doivent de prendre en charge pour  nous permettre de supporter ton absence dans la présence de ce que tu nous as transmis.
Conrad, tu demeures pour moi l’enfant éternellement vivant avec ses impulsions, pas seulement en nous là où ta disparition nous affecte, mais aussi entre nous. Ce qui nourrit les liens. Ce sont ces liens que tu as su créer qui permettent, comme le dit ce poète que tu aimais tant, l’« Explosion de chaleur dans ma noire Sibérie » (Baudelaire).

Roland Gori, le 20 Août 2010


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